Le congé maternité, tu sais, c’est cette douce période de 16 semaines qu’on t’offre généreusement pour te permettre de faire le plein d’énergie en fin de grossesse, d’être sûre de ne pas accoucher en pleine réunion au boulot, et surtout de profiter à fond des débuts avec ton nouveau bébé.
Ah, le congé maternité… Rien que le nom fait rêver… Oh la la, oui… Tout de suite, ça m’évoque les congés payés, les documentaires en noir et blanc avec ces familles partant en vacances pour la première fois, au bord de la mer, les bouchons sur les routes de France (dans les années 30’, même les bouchons c’était glamour), les sourires et l’insouciance… Et dans ma vie à moi (soyons réalistes, un peu), les images que j’associe au « congé » sont grasses matinées jusqu’à l’après-midi, bronzette, rando, lecture, découvertes, amis, repas improvisés à des heures improbables… Alors quand on m’a annoncé que je serais en congés pendant plusieurs semaines avant et après l’arrivée de mon premier bébé… Rien ne pouvait me faire plus plaisir !!!
Ce qui est vraiment sympa, au démarrage du congé mat’, enceinte de 7 mois 1/2, +22kg, douleurs ligamentaires, sciatique, c’est que de toute façon tu ne voyais vraiment pas comment tu aurais pu aller bosser une seule demi-heure de plus. Tous les jours, t’extraire de ton lit en moins de 10 minutes, faire pipi, te préparer, manger comme quatre, faire pipi, te déplacer jusqu’à ta voiture ou l’arrêt de bus à une allure d’environ 1 km/h, t’installer le moins inconfortablement possible pour le trajet, avoir une contraction, arriver au boulot, aller faire pipi, répondre poliment (ou pas) aux “alors, ça va ?” compatissants, esquiver 2-3 tentatives de palpages de ventre compulsifs, arriver à ton bureau, t’apercevoir que ton ordinateur est de plus en plus loin de ta chaise / tes bras de plus en plus courts, devoir retourner aux toilettes avant même d’avoir ouvert tes mails… Je m’arrête là, il est 9h15 et tu te demandes comment tu vas tenir les 8 prochaines heures avant de retrouver ton canapé. Bref, ne plus aller travailler, à un moment donné, c’est juste une question de survie. Donc, ce qui est sympa, quand ton congé mat’ commence, c’est qu’il t’évite de t’effondrer telle une baleine échouée dans le couloir entre les toilettes et ton bureau en pleurant pour qu’on te ramène chez toi.
Ça y est, tu as atteint ce cap, ce matin tu ne mets pas ton réveil, tu vas pouvoir faire cette fameuse grasse matinée jusqu’à l’après-midi, surtout qu’avec tes nuits hachées de ces dernières semaines, tu l’as bien méritée… Pfiou, que c’est bon, d’avoir tout le lit pour soi… Bon, finalement non, parce qu’à 6h52, tu es réveillée par une fringale de folie, et une petite envie de faire pipi (bah ouais, ça faisait quand même depuis 3h du mat’ que tu t’étais pas levée). D’ailleurs, tu n’as pas vraiment le temps de traîner au lit car tu veux profiter de ces quelques semaines avant l’arrivée de ton bébé pour faire toutes ces choses que tu as déjà trop reportées : ranger la maison de fond en comble, trier les papiers qui trainent, dénicher les derniers éléments manquants pour la chambre du bébé, laver tous les petits habits, faire du yoga, écouter des CD relaxants, finir ce livre incontournable sur l’accouchement, congeler des plats pour après la naissance, trouver une assistante maternelle sérieuse, douce et attentionnée dans le quartier. Du coup, tu oscilles entre pseudo-siestes culpabilisantes sur le canapé et tentatives d’enfin mener à bien toutes ces tâches que tu n’as pas réussi à faire en début de grossesse quand tu pesais 16 kg de moins. Et on te dit de te reposer. Alors tu souris. Et après tu vas sur Pinterest et tu te liquéfies à l’idée d’être la seule mère de la Terre (au moins) qui n’a pas pensé à acheter pour les murs de la chambre du bébé des petits tableaux trop mimi et top tendance assortis au tour de lit. Donc tu flingues une après-midi à zoner sur des sites de puériculture en ligne et de créatrices made in France, mal installée sur ce fichu canapé pas du tout adapté à ta nouvelle morphologie, pour finir sur des forums à ne même plus savoir ce que tu cherches. Ton chéri / l’heureux futur papa rentre du boulot et tu pleures parce que c’est trop épuisant d’être enceinte et que tu as peur de ne pas être à la hauteur, d’ailleurs, c’est sûr, tu ne l’es pas ! La preuve ! Tu parles d’un congé !
Heureusement, bébé finit par arriver ! Youpi, l’heure de la légèreté, c’est maintenant que le vrai congé va commencer, tant pis pour la déco de la chambre, tu vas pouvoir savourer avec ton bébé ! Tu n’es plus baleine, tu peux toucher toutes les parties de ton corps (ou presque), tu vas beaucoup moins au toilettes. Enfin, tu as quand même des courbatures un peu partout et peut-être bien le coccyx déplacé, les seins qui pèsent aussi lourds que ton ex-ventre d’il y a 2 semaines, et une fatigue que tu étais loin de pouvoir conceptualiser dans ton cerveau rempli de bonnes intentions. Maintenant tu as ton bébé. Et ça c’est vraiment merveilleux. C’est juste un peu compliqué d’arriver à savoir quand il a faim, quand il a sommeil, quand tu vas pouvoir te laver, quand c’est raisonnable d’aller t’allonger. Ton compagnon / l’heureux papa est très attentionné, il te ramène des fleurs, il fait les courses, le ménage, il est un peu frustré parce qu’il trouve que tu es plus proche que lui du bébé. Tu lui dis que c’est un super papa, tu le rassures comme tu peux, et tu te sens chanceuse de pouvoir passer tout ce temps avec votre bébé. Ton bonheur n’a d’égal que la noirceur de tes cernes. Le concept de grasse matinée a été relégué au plus profond de tes fantasmes inconscients, maintenant tu espère juste dormir 2h d’affilée. Si possible plusieurs fois par 24h. Et alors que tu grignotes, debout, des biscottes et des haricots verts froids avec un morceau de camembert, tu te demandes comment tu as pu être assez fainéante ou inconséquente pour ne pas préparer ces fameux stocks de délicieux plats congelés pendant qu’il en était encore temps, comme tout le monde te l’avais recommandé. Mais c’est normal, parce que les 2-3 premières semaines sont les plus difficiles. Chez toi, ces 2-3 semaines dureront plutôt 6-7 semaines (on n’est d’accord qu’on n’a pas affaire à un BABI – Bébé Aux Besoins Intenses – dans cet article). Mais quand on aime, on ne compte pas.
Arrive le moment où, enfin, ton bébé et toi avez réussi à trouver un non-rythme qui vous convient assez bien (enfin, surtout à lui, mais comme il crie plus fort…). L’allaitement se passe bien, tu arrives à t’habiller avant midi, à te laver même, tu manges souvent à ta faim, tu as apprivoisé ton écharpe de portage et tu adores te balader dans les parcs avec ton bébé. Tu restes déçue de ne pas avoir pu décorer sa chambre aussi bien que tu ne l’aurais voulu, mais elle est jolie et propre et c’est le principal. C’est vrai que les plats surgelés t’auraient aidée pour les premières semaines, mais maintenant tu cuisines sans problème pendant les siestes ou avec ton bébé en écharpe, c’est même drôlement valorisant d’être capable de gérer ça alors que tu as tellement galéré les premiers temps. Ton bébé apprécie de plus en plus de passer de petits moments allongé sur son tapis. Ça te permet de faire un peu de yoga ou d’avancer le ménage plus efficacement. Efficacité, c’est la nouvelle définition de toi-même, et tu en es fière. Au début, ton compagnon faisait les courses, c’était trop compliqué de gérer le bébé, les tétées, le caddie. Mais maintenant, ça roule, tu as pris le relai pour qu’il n’ait pas ce souci et puisse rentrer directement du boulot, pour profiter lui-aussi du bébé. Bravo à toi.
Tic-tac, tic-tac, c’est le moment de reprendre le boulot. Et oui, 16 semaines, c’est seulement 10 semaines après la naissance d’un bébé à terme. Ton bébé a 2 mois ½. Tu es tiraillée entre l’envie de chialer parce que ça a passé tellement vite et que tu te sens si fatiguée et incapable de passer tes journées loin de lui et la fierté d’avoir réussi à gérer tellement de nouvelles choses en si peu de temps, d’être passée de la jeune mère dépassée à la WonderMum (candidate au burn-out) qui assure sur tous les fronts. Pleure pas tout de suite, pour ton deuxième congé mat’, tu auras le pack « aîné » à gérer en plus…
En bref :
1/ Si à la fin de votre congé maternité, tu as l’impression d’être enfin en vacances en retournant au boulot, c’est normal.
2/ Si en retournant au boulot, à chaque fois que tu poses une question sur un truc que tu n’as pas suivi, on te répond que “vous en avez ratées, des choses, pendant votre congé”, c’est normal : les congés hors mois d’août, ton chef n’aime pas trop, tu le savais, pourtant… Les mots ne sont jamais anodins, et ce petit mot « congé » en dit long sur comment le reste du monde imagine ces 16 semaines…
3/ Si, en passant l’aspirateur en revenant du boulot, tu te demandes comment tu as pu passer d’une répartition des tâches ménagères quasi-équitable à une inégalité du type 80-20, rappelle-toi de ces dernières semaines de congé mat’ où tu as mis toute ton énergie à profiter de ton bébé dans une maison « propre et agréable », et à préparer des « bons petits plats », puisque “tu avais le temps” et envie de prouver à la Terre entière (au moins) que tu étais « capable ». Ça y est, tu viens de comprendre ?… Hey, finalement, le congé mat’ ne t’a pas emmenée sur les routes de la douce France, mais tu y as peut-être renoué avec le statut de maîtresse de maison de ton arrière-grand-mère… Attention, tu n’es pas un cas isolé, n’hésite pas à signaler ta situation et à alerter toutes les primipares sur la réalité de ces 16 semaines !
Alors, pour ces raisons et toutes les non-citées, osons le dire “Je n’ai pas besoin du féminisme… parce qu’il y a le congé maternité.” #humournoir