C’est simple, c’est une question si souvent posées aux jeunes mères que les deux seuls moyens de l’éviter semblent être : 1/ avoir des enfants de moins de 15 mois d’écart 2/ s’être séparée du papa pendant la grossesse.
Après, la formulation peut être moins pertinente. Genre « c’est quand que vous nous faites un petit deuxième ? » Heu… quand… quoi…?” « vous NOUS quoi ? » Toutes mes excuses, ce type de phrases et toutes les implications psycho-patho-égocentrées qui en découlent me laissant sans voix, on ne pourra pas en parler aujourd’hui.
Donc revenons à ce charmant, souriant, pas un brin intrusif « et le deuxième, c’est pour quand ? »…
De mon côté, je l’ai entendu de la reprise du travail (aux 4 mois 1/2 de ma fille aînée) au début de ma deuxième grossesse (environ 2 ans plus tard). De la part de mes voisins, collègues de travail, de la concierge,de la boulangère, et j’en passe. Très souvent, et même très très souvent. Comme je n’ai aucune répartie, j’ai toujours éludé la question ou répondu poliment qu’on “verrait”. A la réflexion, j’aurais pu les envoyer balader avec un truc marrant, genre, au hasard…
En mode curieuse : « Pourquoi, t’as des actions chez Pampers? » Bon, elle est pas terrible, celle-là, insinuer qu’un bébé est forcément synonyme de produits d’hygiène jetables aussi nocifs que polluants, alors que les couches lavables existent… Bof, mais bon…
D’un air déçu : “C’est mort, on a perdu la recette.” Ah, mais en fait, ça non plus ça n’aurait pas été très fin. Rapport à tous les couples qui connaissent les “recettes” sur le bout des doigts à force d’espérer, de croiser les doigts, de stimuler, de se faire examiner. Et pour qui ça marche pas. Chers collègues, voisin.e.s, concierge, un enfant, c’est pas toujours “dès qu’on veut”…
Humour noir : “Tu rigoles? Je regrette déjà pour le premier.” Ouille. On en parle, des mères qui regrettent pour de vrai, amèrement, du fond des tripes, d’avoir fait basculer leur vie de façon définitive et irréparable du côté de la maternité? On frôle le tabou absolu, là. Et pourtant…
Tragique : « Bien sûr qu’on va le faire ce deuxième, dès que j’aurais arrêté d’enchaîner les fausses couches. » Zut, madame la voisine, vous n’y aviez pas pensé, que vous ne seriez pas avertie à chaque mauvais plan de la cigogne…
Pragmatique : « Pour l’instant, on essaie juste de ne pas divorcer, et après on verra pour le deuxième. Ou pas. » Et oui, le bébé comme élément hautement perturbateur, on en parle, monsieur le collègue de travail? Tu le situes, ce moment où couple est tellement au bord de l’effondrement qu’un grain de sable supplémentaire ferait tout péter à coup sûr ? Et donc, là, à cet instant précis, tu me parles de remettre des nausées, des hormones, des achats de pyjamas et des prises de tête sur l’aménagement de la chambre au milieu ?
Terre-à-terre : « Dès que j’aurais pu dormir 3 jours d’affilée, on pourra peut-être envisager d’avoir à nouveau des relations sexuelles et donc peut-être un autre enfant. » Comment ça, l’arrivée d’un bébé peut entraver l’élan sexuel de la femme? On m’avait dit que dès la fin des lochies tout était fonctionnel… La fatigue c’est dans la tête Madame, parfois il faut se forcer un peu pour que la machine redémarre… [partie vomir, continuez sans moi]
Mais au-delà de tout ça, n’oublions pas la raison suprême et indiscutable : “Nous ne souhaitons qu’un seul enfant.” Nan ! Vous oseriez ? « Vous n’allez quand même pas (nous) faire un enfant unique ? » Heu, c’est quoi le problème avec l’enfant unique ? Il risque de manger tous les bonbons ? Il aura trop de cadeaux à Noël ? Il ne saura pas partager ? C’est vrai qu’il suffit d’aller dans un parc pour se rendre compte à quel point tous les enfants élevés dans une fratrie sont naturellement enclins au partage avec leurs frères/sœurs, mais aussi avec les petits inconnus. Hum.
C’est quoi le problème avec ces visions calibrées de la famille idéale ? Deux enfants ; entre 2 et 4 ans d’écart entre eux ; de préférence un garçon et une fille (le choix du roi). Si vous vous arrêtez à un, quelqu’un sera toujours là pour disséquer le pourquoi du comment, « c’est bizarre quand même, en plus [bb1] est tellement mimi… » « peut-être que ça ne va plus si bien que ça dans leur couple… » Si l’écart est inférieur à 2 ans, vous serez taxés de fous ou de courageux. Pour un écart supérieur à 4 ans, beaucoup prendront un air embêté pour vous demander si leur relation ne manque pas trop de complicité, « vue la différence d’âge » ? Si vous enchaînez des filles, on demandera au père s’il n’est pas trop déçu. Des garçons, cette question sera pour la mère. C’est bien connu que quand on fonde une famille, c’est dans l’espoir secret que notre genre atteigne la supériorité numérique dans la maison. Sûrement pour… Non, bah pour rien.
Il y a tellement de raisons aussi diverses que variées ne pas vouloir / pouvoir avoir ce fameux deuxième, “pour le moment”, ou “définitivement”. Elles ont un seul point commun : appartenir à la sphère intime. Demande-t-on à ses voisin.e.s, collègues, clients s’ils sont satisfaits de leur sexualité, si les sentiments ne sont pas en train de s’étioler dans leur couple, si leurs règles ne sont pas trop abondantes ou si tout va bien niveau prostate ? Bah non ! Mais pourquoi ? Parce que c’est intime, voilà. Alors, on peut admettre que le sexe, l’amour, et un tas d’autres trucs fassent parties de l’intimité ; par contre, un “projet bébé” incluant du sexe, de l’amour, et des tas d’autres trucs se retrouve propulsé au rang de sujet d’intérêt général devant la machine à café. Dingue.
Rassurez-vous néanmoins, si vous passez le cap des deux enfants, peu de personnes s’inquièteront de votre projet d’en faire un troisième ou pas. Et si vous passez les trois… La plupart de vos collègues/voisins/concierges auront du mal à garder leur sang-froid quand ce sera le moment pour vous d’annoncer que le quatrième est “en route ». Si vous en êtes là, réjouissez-vous ! Plus aucune interrogation sur l’égoïsme potentiel de vos petits (on les plaindrait plutôt de ne pas avoir assez d’attention de votre part) ! Plus de questionnement existentiel sur l’écart idéal (tout le monde s’en fiche à présent) ! Plus de défilé incessants et de chambre remplie de badauds à la maternité (même mamie a fini par se lasser) ! Réjouissez-vous ! Vous êtes si loin des normes que vous êtes devenus une « exception », un peu comme un verbe irrégulier, parfois cités en tant que tel lors de repas du CE ou l’AG de la copropriété. « Ils ont quatre enfants MAIS qu’est-ce qu’ils sont propres et bien élevés ! » Youpi ! Ou pas…