Il y a 10 ans, les tentes rouges débarquaient en France grâce à une femme exceptionnelle. Aux Journées des Doulas.
Il y a 10 ans, je devenais mère pour la première fois. Je devenais mère sans avoir jamais participé à une tente rouge. Je devenais mère sans doula, sans personne pour me dire que j’étais capable. Je devenais mère entourée de murs blancs, de professionnels paniqués et de lumière crue. Heureusement, en devenant mère, j’ai rencontré ma fille, et, elle, elle savait que j’étais capable.
Il y a 8 ans, j’ai trouvé les doulas, et j’ai vécu ma première tente rouge.
Il y a 8 ans, j’ai commencé à faciliter des tentes rouges. Après en avoir vécu seulement une. Je n’étais pas sûre d’être capable. Mais je savais que ce que j’avais reçu, la profondeur, la qualité d’écoute, le partage en toute sororité, je n’avais pas le droit de pas l’offrir d’autres femmes. Alors j’ai décidé d’être capable.
Ce week-end a eu lieu le premier festival des tentes rouges. J’y ai emmené ma tente. C’était la première fois qu’elle voyageait si loin. En m’éloignant de mon chez moi, de mes repères, des routes connues, j’ai pris conscience de ce que je transportais dans le coffre de ma voiture. Du métal, du tissu, des bougies, mais pas que. Un espace. Une promesse. Une symbolique. Un potentiel de magie en attente d’une étincelle. Mais sans l’étincelle, la magie ne se montre pas. Montez une tente rouge sans y mettre votre cœur, et il ne se passera rien. Mettez votre cœur sous une tente, mais ne posez pas de cadre sécure et bienveillant, et il ne se passera rien. Posez un cadre, mais ne conviez aucune femme, et il ne se passera rien. L’étincelle, c’est le cœur, c’est le cadre, c’est elles, c’est nous. Alchimie si complexe et si simple à la fois. Formule si magique qu’on ne s’en lasse pas. Je transportais du matériel, mais l’essentiel m’attendais là-bas.
J’ai emmené ma tente, et quel bonheur de la monter dans ce lieu ! Au milieu de ces autres tentes rouges arrivées la veille, au milieu de ces femmes et de la sororité ambiante. J’ai eu la joie de retrouver des visages qui m’avaient manqués, et le bonheur d’en découvrir d’autres, magnifiques eux aussi. J’ai vu des sourires, des rires, beaucoup, et quelques larmes. C’était beau, c’était simple, c’était de l’ocytocine par vagues qui débordait de partout sans qu’on sache d’où elle venait. C’était bon de se laisser bercer. C’était des regards et des rencontres, quelques mots échangés, de la sincérité partagé. C’était rare et précieux, cette douceur, cette fluidité jusque dans les mouvements des corps d’un espace à l’autre, cette facilité à faire du lien, sans danger, sans enjeux. J’ai déjà oublié beaucoup de prénoms, mais je me souviendrai longtemps de l’intensité au-delà des mots.
J’ai emmené ma tente pour un petit shoot de magie, et j’ai aussi emmené ma fille, qui aura bientôt 10 ans. Elle a participé à sa première tente rose. Accompagnée de deux autres jeunes filles, et d’une doula merveilleuse. Et puis, comme elle était lancée, elle a participé à sa première tente rouge. Et puis, comme elle avait fait le plein de ce qu’elle était venue chercher, elle a joué avec sa nouvelle copine rencontrée sous la tente rose. Elle a mangé un hamburger et a trouvé que le Buffalo Grill était un endroit génial (WTF ?). Bref, elle est repartie le cœur et les yeux pleins d’étoiles. Elle m’a dit que dire « les règles », c’était moche, et que maintenant elle dirait « les lunes » (et c’est qui qui va passer pour une mère doula-perchée auprès de toute l’école ?). Elle m’a dit qu’elle avait hâte de recommencer, et que quand elle serait grande, elle aussi elle aurait sa tente rouge. Elle m’a dit qu’elle avait de la chance d’être une fille, même si les garçons pouvaient aussi aller sous une tente d’une autre couleur. Et puis, elle m’a dit merci.
Depuis 8 ans, j’ai entendu tellement de témoignages extra-ordinaires d’amour, de tendresse, d’humanité, et de tremblements de vie sous les tentes rouges que mon réservoir à gratitude n’a jamais désempli.
Ce week-end, j’ai pris ma fille dans mes bras, et puis j’ai vu ses yeux pétillants. Je l’ai entendu dire « merci pour la tente rose » à une amie-doula que j’aime de tout cœur. Et là le réservoir déborde. Les vannes vont lâcher. J’ai les émotions au bord des yeux. C’est too much pour moi, j’ai tellement plus de mots pour le dire que je pourrais pleurer pour un biscuit cassé (ça vous rappelle quelqu’un ?).
Alors je suis obligée de le crier pour vous en faire profiter :
Merci à la vie, à l’amour, aux tentes rouges. Merci à Anita Diamant, à Dina, à toutes les femmes. Merci aux doulas, à la transmission, à la sororité. Merci aux femmes d’ici et d’ailleurs, d’hier et d’aujourd’hui. Merci à ma mère, aux femmes avant elles, à mes filles et aux femmes de demain. Merci pour tout.
Prenez-en, et distribuez. Distribuez de la gratitude, de la sororité, de la magie. Construisez des tentes rouges. Cousez vos tissus amoureusement, ou achetez des pinces à linges à paillettes, peu importe. Faites les ourlets, ou coupez juste les bords qui s’effilochent, peu importe. Mettez des coussins, plein, plein de coussins. Mettez de l’amour, surtout. Faites-la belle comme vous êtes belles. Et laissez faire le cœur, le cadre, la sororité. Vous êtes capables. Et puis, vous verrez, c’est pas si compliqué. La magie viendra des femmes.