[EDIT du 19 avril 2020 : Cet article a suscité de fortes réactions sur les réseaux sociaux, sûrement parce qu’il comporte une succession de maladresses, et qu’il a été perçu comme « ce que toute doula devrait faire » alors qu’il n’avait d’autres ambitions que d’être le témoignage d’un cheminement personnel.
Pour commencer, il aurait pu s’appeler « Pourquoi j’ai choisi Doulas de France », ou mieux « Pourquoi j’ai choisi une pratique que j’estime en accord total avec la législation française ».
Ensuite, il aurait pu préciser que, lorsque je mentionnais la « doula sauvage » que j’aurais pu être, je ne cherchais nullement à « mettre dans le même panier » ou à qualifier de « sauvage » ou « hors des clous », toutes celles qui n’étaient pas moi et ne partageaient pas ma vision. Je suis pleinement consciente de la diversité des pratiques et des positionnements des doulas en France, et consciente également que le choix pour certaines de ne pas se rassembler au sein de DDF n’est pas le signe de « mauvaises » pratiques ou éthique, simplement d’une vision différente, ni meilleure, ni moins bonne.
Pourquoi alors ne pas avoir écrit cela dès le départ ? Tout simplement parce que j’étais à mille lieues d’imaginer que des femmes se sentiraient dénigrées par ce qui n’était pour moi qu’un témoignage personnel.
Je suis sincèrement attristée d’avoir blessé certaines femmes parmi les doulas, si c’est encore le cas après la lecture de ces précisions, je suis prête à échanger avec vous en privé, en vous priant juste d’avoir en tête un postulat qui me semble primordial en tant que doula : posons comme base que « l’autre » porte de « bonnes intentions ».
Merci d’avoir pris le temps de lire ces éclaircissements !]
Y’a des choses, dans la vie, qui semblent sorties de nulle part, et qui ressemblent à des évidences.
Devenir doula est une de ces choses. Pourquoi, quand on a déjà un métier « reconnu », relativement valorisé socialement, bien rémunéré, fait-on le choix d’accompagner des femmes et des couples dans leur chemin de devenir parents ? Pourquoi, quand on a déjà fait beaucoup trop d’études, s’embarque-t-on dans une formation coûteuse en temps, en argent, en énergie ? Pourquoi, quand on a déjà toute une vie à gérer, un couple, une famille, des enfants en bas âges, des névroses, des casseroles, décide-t-on de faire de la place – une grande place – à une nouvelle activité professionnelle chronophage, émotionnellement chargée, et imprévisible ?
Je ne sais pas pourquoi on devient doula. Peut-être pour donner, ou pour recevoir. Peut-être pour l’ocytocine, ou pour l’adrénaline du téléphone qui sonne à n’importe quelle heure. Peut-être pour voir des bébés téter, ou pour collectionner les faire-parts de naissance. Peut-être pour les femmes, ou pour l’avenir de l’humanité.
Bref, je suis devenue doula. Et j’ai choisi Doulas de France. DDF, la grosse asso qui impressionne au premier abord, avec ses principes qui peuvent sembler rigides, avec sa charte sérieuse et ses critères précis, avec ses codes et ses interdits, avec ses gros mots, surtout « cadre légal ».
C’est drôle, ce choix, car je n’ai pas l’habitude de faire les choses « comme il faut ». Soyons honnêtes. J’ai bluffé à mon entretien pour être prise en école d’ingé, j’ai auto-saboté toutes mes possibilités de CDI, j’ai changé de vie / région / maison sur un coup de poker, je suis devenue prof sans passer le CAPES. Et en tant que doula, j’ai accepté mon premier accompagnement sans fomation et sans filet. J’ai donc d’abord été doula sauvage. J’aurais pu continuer comme ça. C’était punk. Suivre mes propres règles. J’aurais pu. Faire de l’accompagnement thérapeutique, recommander des fleurs de Bach, de l’homéo, des huiles essentielles. Accompagner les parents sans présence de sage-femme. Je risquais quoi ? Un peu d’adrénaline, l’ivresse des hauteurs ? Que du bonheur, hein… Si doula avait été coiffeuse ou boulangère, je l’aurais fait.
Mais j’ai choisi d’être dans les clous, parce qu’en France, la profession de doula n’a pas besoin de punks. Elle a besoin de professionnelles capables de s’unir derrière une éthique commune, pas la plus fun mais la plus juste. Pas la plus fun, quoique… J’aime les défis. Être libre hors cadre, c’est presque trop facile. J’aime savoir que ma liberté s’arrête là où commence le danger pour mes consœurs, la sécurité pour les parents, le respect pour les sages-femmes. Les doulas marchent sur des œufs. Parce que la méconnaissance de l’essence de notre métier, parce que la méfiance de certains professionnels de santé, parce que l’humain, le care, les valeurs d’empathie et d’horizontalité font peur encore un peu, parfois, à ce vieux monde conditionné. Parce qu’on n’a rien à gagner à passer pour des perchées ou à bosser cachées selon nos propres règles au feeling fuck-the-system. Par contre les parents ont tout à y perdre dans leur libre choix d’être accompagnés par une doula pour leur accouchement en structure – pour ne citer que ça, la partie émergée de l’iceberg. Alors finalement, porter le cadre, être irréprochable, n’offrir aucune prise aux détracteurs de la cause, c’est là que je trouve le fun. Rire aux critiques et répondre au tac-au-tac qu’aujourd’hui, c’est vrai, tu ne connais pas le nom de mon métier, mais qu’un jour bientôt faire appel à une doula ce sera aussi naturel qu’acheter du pain. Et que ce jour-là on remerciera le cadre.
J’ai choisi Doulas de France, pas parce que c’est bien, parce que c’est légal, parce que c’est lisse. J’ai choisi Doulas de France parce que j’y crois.