Il y a quelques années, dans la cuisine :
« C’est quoi, déjà, ton métier, maman ?
– Le travail de maman, c’est qu’elle s’occupe de nous, elle nous nourrit !
– Oui, c’est vrai que je passe beaucoup de temps avec vous, mais j’ai aussi un métier, vous vous rappelez ? Je suis doula, accompagnante à la naissance !
– Ah, oui, tu t’occupes des mamans… Mais bon, prendre soin de quelqu’un, faire des massages, c’est comme être une maman et s’occuper de ses enfants, c’est pas vraiment vraiment un métier… »
À la fin de ma formation, mon chéri :
« C’est chouette, ça se développe, ce que tu fais… Mais à côté, il va quand même te falloir un métier, non ? »
L’année dernière, à Pôle Emploi :
« Non, mais là, il va pas y avoir de code ROME, hein… Vous êtes sûre que ça existe ? »
– Puisque je suis là !!! [bon, c’est dans mes rêves que j’ai répondu ça, en vrai j’ai juste dit « bah oui »… pas très Rock n Roll… dans une prochaine vie j’aurai de la répartie]
Un jour, mon papa :
« Et à la finalement, cette formation te permet de faire quoi ?
– Bah, doula, accompagnante à la naissance !
– Ah, et c’est tout ? »
Arrêtons là, ça devient énervant. Bon, du coup, c’est quoi cette histoire de doulaterie ? Un métier, un passe-temps, un concept incomplet, une fibre maternelle qui a trop poussé ?
Wikipedia m’apprend que le métier se définit traditionnellement par quatre grandes caractéristiques :
1. un corpus de savoirs et de savoir-faire essentiellement techniques
Oh oh, examinons ça! La doula possède-t-elle des savoirs et des savoir-faire ? Hummm, elle a reçu une formation complète et adaptée grâce à laquelle elle manie à la perfection les outils de l’écoute active, elle connaît le corps de la femme sur le bout des doigts, est capable de trouver presque n’importe quelle info à n’importe quel moment par le biais de ressources fiables… Quoi d’autre ? Elle est calée en allaitement, experte en accueil de tornade émotionnelle et pourrait passer un master en reformulation (si ça existait). Je crois que c’est validé pour le 1 !
2. un ensemble de règles morales spécifiques à la communauté d’appartenance
Facile, celle-là ! Et oui, les doulas partagent une éthique commune très précise : la charte établie par l’association Doulas de France, validée et signée par toutes les doulas adhérentes, est très explicite notamment en ce qui concerne le positionnement, la neutralité bienveillante et le respect des choix des parents. Validé haut la main !
3. une identité permettant de se définir socialement (« je suis secrétaire », « je suis ingénieur »…)
Hey, « je suis doula ». Au suivant ?
4. une perspective d’approfondir ses savoirs et ses savoir-faire par l’expérience accumulée.
Mais grave !!! Comment en douter ? La doula accompagne des femmes, des couples, elle pratique l’écoute active, la reformulation, l’accueil de toutes sortes d’émotions. Au plus elle écoute, au plus elle sait écouter ; au plus elle reformule, au plus elle a de vocabulaire (eh eh !) ; au plus elle accueille, au plus elle se connecte à toutes ces femmes accueillies, à ces mères, à la Terre (ça devient mystique ? pardon). Allez, hop, validé !
Doula est donc bien un métier. Un vrai de vrai.
Et c’est un métier MÊME SI c’est une passion. Parce que, peut-être, la coiffeuse, elle est passionnée, elle-aussi (je lui souhaite, hein !), pourtant personne ne remet en question son professionnalisme.
C’est un métier MÊME SI « on » peut se passer de la présence d’une doula. Moi, je me passe de la coiffeuse depuis toujours, mais je ne nie pas le bien-fondé de son existence… pour d’autres qui en ont l’envie et le besoin.
C’est un métier MÊME SI des personnes non-pro le font très bien (oui, apparemment… des grandes sœurs et des meilleures amies ont été citées). En fait, pour tout vous, dire, avant c’était ma maman qui me coupait les cheveux. Oh, elle faisait ça très bien ! Et mes bouclettes rebelles faisaient leur job aussi en masquant les irrégularités… Et sûrement que si j’avais voulu un carré plongeant avec une petite nuque dégagée, j’aurais plutôt fait appel à… je vous laisse deviner.
Bref, doula est un métier.
Un métier avec quelques petites particularités. Bah, oui, quand tu dis que tu es doula, d’abord, tu dois expliquer en quoi ça consiste, pourquoi ça existe, ce que tu fais, ce que tu ne fais pas, quelles sont tes compétences, ta formation, et que, non, ce n’est pas « bizarre ». Et même si tu adooooores raconter ton job de rêve, l’impression d’avoir à te justifier / repasser l’oral du bac à chaque nouvelle rencontre peut ébrécher un peu ton enthousiasme. Les regards parfois suspicieux / incrédules aussi.
Le bon côté, c’est qu’à force de répéter, tu ne risques d’oublier ni tes savoirs et savoir-faire essentiellement techniques, ni l’ensemble des règles morales spécifiques à ta communauté, sous forme de la charte de DDF, ni ce que t’a apporté ton expérience accumulée en terme patience et bienveillance même devant l’interlocuteur le plus dubitatif…